Les mots ont un pouvoir : ils nous transforment et façonnent notre pensée. Prendre soin de soi et des autres passe par la bienveillance verbale. Or, le vocabulaire de l’homosexualité est aux antipodes de toute forme d’empathie. « Faire son coming out. » « Avouer son homosexualité. » « Sortir du placard. » « Accepter son orientation sexuelle. » On se cache, on admet une faute. « Pédé » et « gouine » sont des insultes à part entière. Notre société hétéronormative couvre de honte les identités qui dépassent ses bornes, notamment par le biais d’un langage homophobe. L’heure de la déconstruction a sonné.
Le placard de la honte
Le langage est non seulement symptomatique d’une certaine forme de réalité, mais il contribue également à la cristalliser. Coming out. L’idée de sortir d’une cachette symbolisée par la métaphore du placard en dit long. La société nous enferme car nos identités dérangent. Mais nous étouffons dans le placard. La bonne nouvelle, c’est que l’hétéronormativité est un pur produit de l’esprit. Nous pouvons donc la déconstruire, et le langage a son rôle à jouer.
Lesbienne, je dis ton nom
Pour déconstruire l’hétéronormativité, il faut joindre le geste à la parole.
Nous montrer : refuser le jeu de l’invisibilisation
Refuser de voir quelqu’un, c’est ignorer son existence.
Les personnalités publiques continuent de dissimuler leur homosexualité. Dans Le Génie lesbien, Alice Coffin dénonce la « placardologie à la française ». L’autrice déplore l’absence de femmes ouvertement lesbiennes à des fonctions politiques prestigieuses ou dans l’équipe nationale de football – notons que la gardienne de but Pauline Peyraud-Magnin a fait son coming out depuis la sortie du livre. À l’heure où les enfants queers ont besoin de modèles pour se construire, refuser le jeu de l’invisibilisation est une question de santé publique.
Nous, les gouines, les trans, les queers et les pédés, nous ne devrions pas avoir à faire de coming out. Nous n’avons rien à avouer, nous ne sommes pas coupables. Renverser l’hétéronormativité s’impose comme une nécessité pour que les générations futures n’aient plus à se cacher. À nous de montrer l’exemple. À nous de nous montrer, même si ça dérange.
Nous nommer : refuser la violence du silence
Refuser de nommer quelqu’un, c’est taire son existence.
Avec Le Génie lesbien et son tollé médiatique, Alice Coffin a réussi un tour de force. Faire parler de nous, les lesbiennes. LESBIENNE. L’autrice souligne qu’il faut l’écrire, le dire et le redire jusqu’à ce que le mot LESBIENNE ne soit plus tabou. Alice Coffin brise le silence : elle nous nomme pour attester notre existence.
Le silence est parfois d’une violence inouïe. Abolir l’hétéronormativité toxique implique de mettre les mots sur nos identités sexuelles. Alors allons-y ! Écorchons les oreilles, arrachons les œillères et soyons fiers de ce que nous disons.
Comment tu parles à tes gosses ?
Enfant, les poupées me laissaient de marbre. Je me battais avec mes frères et jouais au football dans une équipe masculine. Un vrai « garçon manqué », disait-on (comment la violence de cette expression a-t-elle pu nous échapper si longtemps ?). Dans la cour de récré, les enfants criaient « sale pédé », « la maîtresse est une grosse gouine ». J’entendais les grands dire « c’est un truc de tapette ! ».
Les enfants sont des éponges. Ils intériorisent nos valeurs, agissent par mimétisme et répètent ce qu’ils entendent. Notre étroitesse d’esprit hétéronormative traumatise les jeunes queers. Il y a le feu ! Créons des espaces au sein desquels nos petits se sentent en sécurité. À la maison, à l’école, dans la rue. Bannissons le vocabulaire homophobe, sexiste, raciste, grossophobe et validiste. Adoptons une forme de bienveillance verbale à l’égard de tout ce qui défie l’hétéronormativité. Face à votre enfant queer, cessez de chercher responsabilité et justifications. Votre rôle est simplement de le serrer fort dans les bras et de lui dire « je t’aime ».
Le pouvoir des mots
Les mots ont un pouvoir. Depuis des décennies, le vocabulaire homophobe et transphobe fait des ravages au sein de notre communauté. Il faut déconstruire le langage de la honte au profit d’une parole consciente et inclusive. Là, maintenant, tout de suite. Montrons-nous. Nommons nos identités. Refusons le jeu de l’invisibilisation et la violence du silence. Utilisons le pouvoir des mots pour donner de l’amour. En dictant ce qui est socialement acceptable, le langage hétéronormatif colonise l’esprit de nos petits humains, qui internalisent l’homophobie ambiante. La création d’une société arc-en-ciel bienveillante passe donc par le refus conscient de tout vocabulaire discriminatoire. Encore une fois : il y a le feu.