L’égalité s’écrit-elle en publicité ?

Ménagère des années 1960 en apparence comblée par son aspirateur.

Pourquoi perdre son temps avec des futilités grammaticales alors qu’il y a encore tant de combats à mener ? C’est l’un des reproches adressés aux féministes qui revendiquent un usage non sexiste du français. Ces combats : la violence contre les femmes, l’inégalité salariale, l’absence de parité de représentation, la publicité sexiste. Cap sur la pub. Du porno chic au porno choc sans oublier la ménagère des années 1950 comblée par son aspirateur, l’instrumentalisation de la femme dans les images publicitaires n’est plus à démontrer. Quid du texte ? Les accroches des campagnes participent-elles à cette exploitation ? Peut-on rédiger des textes publicitaires non sexistes ou bien le sexisme est-il une règle du jeu ? La rédaction égalitaire a-t-elle un sens à l’heure où l’instrumentalisation de la femme est inhérente au message ?

Le texte sert l’image et l’image, le texte

Image et texte vont ensemble. Ils se confirment, s’habillent, s’expliquent. C’est pourquoi conceptrice-rédactrice et directrice artistique travaillent main dans la main. Exemple en images :

Publicité pour un bureau avec une femme nue assise sur la chaise.

Publicité pour des lampes avec l'image d'une femme dont la beauté est attribuée à la performance du produit.

Publicité pour la piscine d'un hôtel avec une femme en maillot de bain au premier plan.

Plus récemment : « Oui, nous louons aussi aux femmes », dixit Sixt dans une campagne lancée en 2009 par l’entreprise de location de voiture. La marque de crème fraîche Babette, elle, joue sur l’ambiguïté culinaire / sexuelle avec son « Babette, je la lie, je la fouette et, parfois, elle passe à la casserole » en 2000, suivi de « Babette, j’en fais ce que je veux ». Les blondes sont mises en scène dans la publicité pour la bière. Le texte joue avec l’image et réciproquement. Ainsi créent-ils tous deux du sexisme dans la publicité. Et la provocation paie car l’interdiction d’une campagne fait du bruit. La censure sert alors la publicité. Les messages à caractère sexuel ou sexiste sont-ils le meilleur moyen d’attirer l’attention ? L’instrumentalisation de la femme dans la publicité est-elle nécessaire au 21e siècle ?

Peut-on faire de la publicité non-sexiste ?

Une certitude : les textes et les images sexistes marquent. Elles offusquent, elles amusent, elles fascinent. Qu’elles fassent sourire ou bondir, elles jouent leur rôle puisqu’on les remarque. Ni féministes ni phallocrates ne restent indifférents. La campagne sexiste attire l’attention sur son produit et sur sa marque. Vendre est la raison d’être de la publicité et le sexe-isme fait vendre. Avec la campagne « Babette, je la lie, je la fouette et, parfois, elle passe à la casserole », les ventes de la marque augmentent de 35%. Malgré cela, la publicité non sexiste est possible.
Des concepts publicitaires à succès sans sexisme, il y en a. Les publicités bébés de la marque Evian par exemple. Le prix d’une publicité efficace et non-sexiste : réflexion et créativité. La marque GoldieBlox, elle, va à contre-courant en combattant les clichés liés aux sexes dès l’enfance – rose/bleu, foyer/extérieur. L’entreprise américaine fabrique des jouets destinés à inspirer la prochaine génération d’ingénieures. Cela va sans dire, les jouets pour filles GoldieBlox ne sont ni roses ni à coiffer.

Du message au langage

Faut-il appliquer les principes de rédaction non sexiste dans un univers où le propos lui-même l’est ? L’évolution du message ne doit-elle pas précéder celle du langage ? Si j’applique la règle de proximité pour combattre l’idée « le masculin l’emporte », la publicité pour laquelle je crée un texte doit elle-même être exempte de connotations sexistes, ce qui inclut le concept, l’image et le produit lui-même.
Tout le monde se souvient de 99 Francs. À quoi bon écrire un texte non sexiste pour la campagne de Maigrelette ? Le message et l’existence même du produit sont sexistes. Il dit : eurêka, les femmes n’ont plus à souffrir pour répondre à notre idéal de mingreur car notre produit respectueux de leur ligne est aussi délicieux. La rédaction non sexiste dans la publicité a un sens si et seulement si le concept l’est aussi. Le changement de langage doit aller de pair avec une (r)évolution du message. Bonne nouvelle pour la créativité.

Une chose est sûre

Revendiquer un usage non sexiste du français dépasse la broutille grammaticale. C’est un combat politique. Mon parler reflète ma personne. Si je change, il change aussi. Et le changement a quelque chose de menaçant, d’où la violence de certaines réactions. L’égalité des genres s’écrit-elle dans la publicité ? Le langage joue un rôle primordial dans la pub. La rédaction non sexiste pourrait également y trouver sa place, à condition que le message lui-même évolue. Aux publicitaires de proposer des concepts non sexistes. Ou pas. Les esprits peuvent se déchaîner, cela n’enlève à personne le droit de choisir.

Comment rédiger dans un français équitable ? Le dernier volet de la trilogie lundi 2 juin 2014.

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